Ni mini-traité, ni Constitution européenne: Nicolas Sarkozy prône désormais un "traité ordinaire" qui serait ratifié par les parlements nationaux afin d'éviter l'écueil d'un nouveau référendum.
Le député européen Alain Lamassoure, qui est l'un des conseillers du candidat de l'UMP à l'élection présidentielle, a procédé mardi à un changement sémantique important dans le débat en cours sur la relance des négociations institutionnelles.
"Nous ne parlons plus d'un mini-traité", a-t-il déclaré lors d'un colloque organisé par la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) en collaboration avec d'autres cercles de réflexion. "On a abandonné la formule, on dit traité ordinaire."
Sarkozy avait présenté le 8 septembre dernier à Bruxelles un discours-programme sur la construction européenne dans laquelle il se disait favorable à l'approbation très rapide d'un texte réduit aux réformes institutionnelles prévues par la Constitution pour permettre de gérer l'Union élargie.
Il s'agissait par exemple des nouvelles règles de vote à la majorité qualifiée, d'un poste de ministre des Affaires étrangères chargé de faire parler l'UE d'une seule voix ou de la nomination d'un président du Conseil européen.
Le candidat de l'UMP a abandonné cette idée accueillie avec réserve par les 18 pays qui ont déjà ratifié la Constitution et qui craignent qu'une fois ce mini-traité accepté l'appétit pour les réformes soit éteint pour très longtemps.
PARLEMENTS NATIONAUX
En outre, a dit Lamassoure, le fait que la Grande-Bretagne ait accepté le principe de cette idée était "suspect".
Le champion actuel des sondages souhaite désormais aller plus loin que les seules réformes institutionnelles en prenant pour base le texte de la Constitution rejeté par référendum par les Français et les Néerlandais au printemps 2005.
Mais on ôterait tous les passages superflus contenus dans la partie III de ce texte, qui reprend surtout la description des politiques existantes et qui avait fait débat en France.
"C'est un traité qu'on ne va pas rédiger avec un stylo, mais avec des ciseaux", a expliqué Lamassoure, qui ne veut pas dérégler "l'horlogerie suisse" de la Constitution sur les institutions, sous peine de "rouvrir la boîte de Pandore".
L'accord serait conclu avant la fin de l'année et serait ratifié par les parlements nationaux des 27 Etats membres, ce qui permettrait d'échapper au risques inhérents à l'organisation d'un nouveau référendum à risque en France et aux Pays-Bas.
"Cela n'aurait plus l'ambition d'être une Constitution, parce que la France ne veut pas d'une Constitution", a-t-il dit.
Selon lui, la nouvelle coalition au pouvoir à La Haye est prête à passer par son parlement national s'il s'agit d'un traité ordinaire, et non pas d'un texte constitutionnel.
"Nous pouvons grâce à cela tenir le calendrier proposé par Angela Merkel", a ajouté l'ancien ministre français des Affaires européennes lors de ce colloque organisé à Bruxelles.
La chancelière allemande, qui préside pour l'instant l'UE, a l'intention de présenter une "feuille de route" sur la relance des négociations au sommet européen de juin prochain afin que tout soit en place pour les élections européennes de juin 2009.
"LA FRANCE BOUDE"
Cela n'empêcherait pas les Vingt-Sept de réfléchir parallèlement à l'accroissement de leur coopération dans des domaines comme l'énergie, l'immigration ou l'environnement.
L'idée a été combattue par le représentant de la candidate socialiste Ségolène Royal à ce colloque, le député européen Benoît Hamon, partisan du "non" lors du référendum.
"La motivation principale de l'UMP est d'éviter qu'un référendum (...) vienne interrompre l'état de grâce du président nouvellement élu", a-t-il expliqué.
Royal prône au contraire un référendum sur un texte amélioré, notamment par l'ajout de politiques sociales.
Le "traité ordinaire" proposé par Sarkozy pourrait toutefois rallier certains suffrages au sein de l'Union.
Même si les pays qui ont déjà ratifié la Constitution affirment qu'ils veulent l'améliorer, ils acceptent en privé l'idée que le terme en lui-même devra disparaître.
Ils savent aussi que plusieurs pays, dont la Pologne, la République tchèque et le Royaume-Uni, remettent en question des éléments fondamentaux du texte, y compris sur les institutions.
Enfin, ils sont conscients des risques qu'il y aurait à organiser une nouvelle consultation populaire en France.
Bruno Cautrès, chercheur au Centre d'études de la vie politique en France (Cevipof), a mis en garde contre la tentation de croire que les choses sont revenues à la normale.
"Quand on regarde un peu plus profondément, on retrouve des choses qui sont là au fond depuis toujours", a-t-il déclaré en estimant que la France était recroquevillée sur elle-même et qu'il y avait de quoi "faire réfléchir tout décideur qui aurait pour projet de relancer l'Europe dans les prochains mois.
"La France boude", a renchéri la chercheuse allemande Ulrike Guérot, du Fonds Marshall de Berlin.
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