Selon Hervé Novelli et Luc Chatel, les partisans de la réhabilitation fiscale entendent faire passer le message qu'augmenter les impôts, c'est positif. Au-delà de leurs incantations, quelle est leur véritable intention ? Augmenter les impôts pour financer de nouvelles dépenses et surtout ne rien changer à nos modes de gestion. C'est la politique de la résignation ; c'est surtout la politique qui, ces trente dernières années, a échoué, qui n'a pas enrayé la montée du chômage ni réglé celle de l'exclusion, et encore moins permis de renouer avec une croissance forte et durable. Malgré l'ISF et la CSG, la France accumule, depuis 1980, déficits sur déficits. En prétendant réhabiliter l'impôt, la gauche commet une grave erreur de diagnostic ; elle ne propose que des recettes éculées et inefficaces.
Pour réduire ou faire disparaître nos déficits, deux voies sont théoriquement possibles : l'augmentation des impôts ou la diminution des dépenses. La tentation française, c'est de taxer. Or il est plus que temps d'en terminer avec l'idée de l'impôt vertueux, créateur de richesses et correcteur d'inégalités. En effet, la neutralité fiscale n'existe pas. Taxer le capital, ce qui, sur le plan électoral, peut être payant, favorise les délocalisations, pénalise l'investissement, la croissance et l'emploi. Le sénateur Philippe Marini, dans un récent rapport, ne souligne-t-il pas que près de 650 Français ont quitté la France en 2005, presque deux fois plus qu'en 2003, et que depuis 1997 entre 24 et 32 milliards de capitaux se sont évanouis au-delà de l'Hexagone ? Quand des milliards d'euros sortent de France, quand des millions d'emplois disparaissent ou ne sont pas créés du fait d'une fiscalité trop lourde, ce sont les contribuables français ne pouvant pas s'expatrier qui en payent les conséquences. L'impôt ne se justifie que s'il est modéré et accepté par la très grande majorité des citoyens. L'impôt doit rassembler, et non diviser.
La question centrale n'est donc pas la réhabilitation de l'impôt, mais la réduction des dépenses publiques reposant sur l'engagement d'une véritable réforme de l'Etat. Les dépenses publiques ont progressé de 7 points de PIB depuis 1980. Cette augmentation n'a pas servi à préparer l'avenir ; bien au contraire, l'investissement public n'a pas cessé de décroître depuis vingt ans. « Taxer moins pour créer plus » passe par « dépenser mieux et moins ». Pour cela, il faut développer un Etat moderne en redessinant ses contours en nous inspirant de nos partenaires. L'Italie, la Suède, le Canada ont, tout à la fois, assaini leurs comptes, réduit le poids de leurs dépenses et diminué les effectifs de leur fonction publique, alors qu'en vingt ans la France a accru les siens de 900.000. En France, le recours aux audits a permis la stabilisation, en valeur, des dépenses, succès non négligeable mais qui ne suffit pas. Il faut passer de l'analyse à structure constante à une réforme dynamique de l'administration. Le gouvernement à quinze ministères stables proposé par Nicolas Sarkozy permettra une redéfinition des missions de l'Etat.
Au-delà de l'Etat, qui n'est responsable que de 40 % des dépenses, les collectivités locales et la Sécurité sociale doivent participer à l'effort de refondation. Un pacte de responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales devrait être établi de manière pluriannuelle afin d'éviter tout jeu de bonneteau. Il faut en terminer avec les transferts masqués de l'Etat sur les collectivités locales. De même, ces dernières doivent cesser de multiplier les dépenses ouvrant droit aux systèmes de compensation pris en charge par l'Etat, car, in fine, le contribuable, qui est, tout à la fois, local et national, paie la note. Nous devons également abandonner tout conformisme en matière de protection sociale ; ce secteur ne peut se soustraire au défi de la modernisation et de la responsabilisation. En vertu de quoi la concurrence que nous admettons pour la prévoyance ou le choix de notre médecin ne s'appliquerait-elle pas pour la gestion des caisses de Sécurité sociale ?
D'un côté, il y a donc la voie de la facilité du tout impôt ; de l'autre, il y a une voie plus difficile, car jamais tentée, celle du choc des structures et du choc fiscal. Il est temps de donner tort - pour une fois - à Tocqueville, qui affirmait que « le goût des fonctions publiques et le désir de vivre de l'impôt n'est point chez nous une maladie particulière à un parti, c'est la grande et permanente infirmité de la nation elle-même ».
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